Lester Bangs, profession critique de rock
Vivre en publiant des critiques de disques de 70 pages dans le Rolling Stone c’est possible. Etre considéré comme l’un des plus brillants écrivains d’Amérique sans jamais n’avoir publié un seul roman ? C’est possible aussi, Lester Bangs l’a fait, pourquoi pas vous ?
Critique de rock ? C’est pas une vie !
Tous les gamins qui lisaient le « Village Voice », « Creem magazine » ou le « Rolling Stone mag » dans les années 70, ont forcement lu les papiers complètement dingues de Lester. Ce type, incarné à l’écran par Philip Seymour Hoffman dans le film Almost Famous, n’a fait que ça de sa vie, écrire des pages entières pour critiquer des disques. Voilà pour le résumé. Mais on ne serait sûrement pas en train de parler de lui en 2010 si son œuvre ne s’était résumée qu’à ça.
Il disait que son métier était une arnaque, qu’il avait su au bon moment flairer le bon filon et s’engager dans la voie périlleuse et instable du critique rock free-lance. Il faut quand même bien dire qu’il n’y avait pas, à la fin des années 60, énormément de gars capables de pondre une cinquantaine de pages pour vous expliquer en quoi les Stooges, et Iggy en particulier, participaient à un mouvement plus général de libération des masses. Car Bangs ne se contentait pas de vous dire ce qu’il fallait que vous écoutiez, il faisait en sorte d’être le chroniqueur des années 70, cette époque si souvent fantasmée par les jeunes de maintenant et objet de nostalgie chez leurs parents.
Vous n’aimez pas le rock, vous ne connaissez pas le quart des groupes que Lester critique et vous vous fichez éperdument de savoir si, oui ou non, le MC5 est aussi bon que tous les autres groupes de Detroit ? Les écrits de ce mec sont quand même faits pour vous tant il est capable de prendre du recul et de décrire les mythes et réalités des années 60 et 70. Un chroniqueur on vous dit, indispensable à lire si vous vous intéressez un tant soit peu à l’Histoire.
Une rock star avec une machine à écrire
Bangs est mort comme toutes les rock stars, très jeune. Il avait 33 ans, l’âge du Christ lors de sa crucifixion. Les Clashs, Lou Reed, puis Cobain et Mickaël Stipe ont toujours considéré que Lester était un véritable rocker, que ses phrases valaient tous les riffs du monde et qu’il avait sa place au panthéon du rock. Il n’hésitait d’ailleurs pas une seconde à monter sur la scène du CBGB – club rock new-yorkais incontournable – avec sa machine à écrire et à se mettre en scène tel un rockeur de base. La Remington était en quelque sorte son instrument.
C’est là que tout devient intéressant. Le rock se limite t-il à jouer dans un groupe ? Non, le rock c’est une culture plus large qui a comme noyau les riffs endiablés du Raw Power des Stooges et qui s’étend à une nébuleuse de cinéastes, peintres et écrivains dont Bangs fait indéniablement partie.