Maguy Marin, fragment d’un parcours
Chorégraphe confirmée, Maguy Marin est une des grandes figures du courant de la nouvelle danse française qui, dès la décennie 1980, a réformé le monde chorégraphique en profondeur, et pour longtemps.
Née en 1951 d’une famille d’immigrés espagnols, la petite fille déjà découvre la rigueur des crises sociales et politiques qui ont secoué sa famille. Elle se passionne pour la danse classique, qu’elle étudie dès son plus jeune âge au conservatoire de Toulouse, sa ville natale. Elle grandit dans la France du début des années 50 ses pointes aux pieds, et sa vie dès lors ne sera que mouvements, danse et rencontres. Après avoir passé une partie de sa jeunesse dans la ville rose, Maguy Marin monte à Paris pour étudier au conservatoire national avec Nina Vyroubova, puis intègre le ballet de Strasbourg. Mais le changement se prépare et la danseuse le sent bien ; ainsi elle change d’orientation à vingt ans à peine, et intègre l’école Mudra, à Bruxelles, qui vient de passer sous la direction de Maurice Béjart. Cette rencontre va marquer le premier grand tournant de sa carrière.
L’œuvre de Béjart va influencer tout le parcours de la chorégraphe. Les mots d’ordre sont révolutionnaires, remise en cause totale de l’approche classique du mouvement dansé, bouleversement des notions de style et de grâce si chères aux conservatoires tels qu’ils existaient alors. À Bruxelles, la jeune artiste découvre de nouvelles perspectives : elle côtoie des étudiants du Théâtre National de Strasbourg, multiplie les expériences chorégraphiques aussi bien en tant que danseuse que chorégraphe. Sous la direction de ce « fou de la danse » qui ose tout, la jeune femme découvre mille et une perspectives mêlant travail théâtre et danse, et s’y lance à corps perdu pendant 3 ans. Elle participe par la suite à une recherche théâtrale, Chandra, qui ne donnera rien mais qui la marque encore. Puis, suite logique, elle intègre le Ballet du XXe siècle de Béjart, au sein duquel elle travaillera pendant trois ans à ses chorégraphies.
En 1978, elle obtient le prix du concours de chorégraphie de Bagnolet ; sa création prend la forme d’un pendant français du fameux Tanztheater, de Pina Bausch, y intégrant des éléments théâtraux. En 1981, c’est la consécration : son spectacle May Be connaît un succès retentissant et marque le début du mouvement de la nouvelle danse française. Dès lors, Maguy Marin prend une place de choix dans le répertoire chorégraphique hexagonal.
Basé sur une rencontre conceptuelle et poétique entre la chorégraphe et l’œuvre de Beckett, dont elle ne cesse de dévorer les mots, May Be devient tout de suite une pièce mythique de la danse contemporaine. Le père de Godot accompagne Maguy Marin dans chacune de ses créations. Mais l’artiste ne s’arrête pas en si bon chemin. Depuis, ses créations se caractèrisent par le courage d’une prise de risque permanente, avec un parti pris politique que rien ne dément ; et ce malgré les polémiques qui entourent systématiquement ses nouveaux spectacles. Ceux-ci dérangent, et divisent, en y intégrant un rapport très conceptuel au mouvement et au corps (on pense à HaHa, qui met en scène les danseurs assis dans une hilarité permanente, ou encore Umwelt, hué et applaudi, et tant d’autres…). Elle revisite les grands classiques, mettant en scène Othello, Cendrillon et d’autres, souvent sur commande des opéras de France et de Paris.
Sa compagnie se développe au début des années 80 dans le mouvement de la «non-danse», notion caractéristique d’un nouveau rapport au mouvement non plus visant la grâce, mais juste pour lui-même (comme Merce Cunningham), et que Maguy Marin questionne, travaille et retravaille encore, inlassablement. En 1998, elle se voit confié le projet d’un Centre Chorégraphique National dans la banlieue lyonnaise, qui ouvre ses portes à Rillieux La Pape en 2006. Elle y crée toujours plus, ouvrant ses portes à la ville et à un public nouveau, jusqu’à rendre les clés du lieu en Juin 2011 pour « laisser la place aux jeunes » et repartir sur les routes avec sa compagnie, ses idées, son dynamisme.
A 59 ans, avec plus d’une quarantaine de créations à son actif, Maguy Marin est plus que jamais incontournable, en France mais aussi à l’étranger : elle a été la première artiste non américaine à recevoir le Bessie Award de l’American Dance Festival à New York, pour son très polémique Umwelt. Ses créations sont visibles partout en France, et au théâtre de la Ville à Paris.