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Pour les amoureux de l’Afrique… White Material

Terre rouge, brousse verdoyante, ville poussiéreuse, l’Afrique est mise à l’honneur par l’une de ses plus ferventes adeptes. La caméra de Claire Denis nous emmène loin de nos territoires connus, au sens propre puisque l’on change de continent ; mais au sens figuré surtout, loin de notre vision empreinte de notre culture, vers un continent que l’on croit souvent à tort bien connu.

White Material, c’est le titre de ce petit bijou de sensibilité que nous a offert cette fois encore, Claire Denis. Que l’on aime ou non la réalisatrice de Beau Travail, il ne faut pas rater son dernier film. C’est vraiment un bonheur, surtout pour ceux qui ont déjà foulée la poussière de la brousse.

Le film se passe en Afrique avec à l’évidence une connaissance du terrain tout à fait exemplaire. Et pour cause, puisque Claire Denis a été élevée sur la terre battue du Cameroun. Ce n’est pas pour autant (et encore heureux pour elle) une œuvre autobiographique, mais c’est un hommage vibrant à la différence des parcours, et à cette terre violentée, rouge sang, sur laquelle l’homme blanc se voit désarçonné complètement.

Et ce trouble, c’est une femme qui l’incarne tout entière. L’un des avantages majeurs de ce film consiste aussi à mettre en scène une Isabelle Huppert perdue, qui s’accroche à une plantation de café parce qu’elle s’accroche ainsi à toute sa vie, à ce qui fait son bonheur et sa place dans le monde, dans ce monde dur et lointain où son métier, ses noix de café, sont la seule chose stable. Claire Denis va, avec sa maîtrise du cadre et de la rétine cinématographiques, avec toute l’intelligence de se mise en scène, filmer l’espoir insensé et la volonté irrationnelle d’une femme qui refuse de lâcher l’œuvre de sa vie, dans une situation de violence sanglante débridée et de danger mortel. Parce que cette plantation, cette brousse, cette terre, c’est toute sa vie, c’est ce qui reste quand tout fout l’camp, ce qu’incarne cette inquiétude pour sa récolte ; sauf que les rebelles viennent pour elle, pour son White Material, le matériel du Blanc.

L’écueil est évité avec talent, jamais le scénario n’est caricatural. Le vrai visage de l’Afrique est dévoilée ici, toute en creux, sublime mais lointain, incompréhensible souvent, un chez soi malgré tour. On revisite toute un continent avec un œil de sociologue-artiste qui frôle le documentaire tellement l’image est réaliste, mais tout en maintenant une intrigue prenante.

Il y a des choses que l’on ne comprend pas dans le film ; des évenements (pourquoi le fils se rase la tête et se fait soldat ?), des personnages un peu trop mystérieux pour avoir une réelle pertinence (le vieil homme qui survit, notamment)… mais finalement, cela importe si peu, on l’aime si fort, cette Afrique rouge, celle de la brousse et des moussons, celle de ces hommes, de ces femmes, noirs et blancs, toute en complexité et en profondeur, et Claire Denis la filme si bien.

Deux mots enfin sur les acteurs, Christophe Lambert discret et fidèle à son jeu là où, pour le moins, on ne l’attendait pas, Isaach de Bakolé joue un Boxeur tout à fait crédible, et Nicolas Duvauchelle trouve, comme toujours, l’habit qui lui sied le mieux avec le personnage du fils névrotique en proie à une demi folie qui se met en danger.

Il y a du vécu dans ce petit film. Il y a la saveur et la complexité d’un continent où tout nous met en danger dans nos certitudes. Et c’est un vrai plaisir d’avoir des personnes comme Claire Denis pour nous montrer ce petit bout de terre, bien injustement mal traité par les caméras françaises.

A voir, à revoir, et à faire découvrir !!

 

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