Rosa La Rouge
Rosa La Rouge, n’est pas une pièce de théâtre. C’est presque un concert.
Sur le thème de la révolutionnaire révolté et pertinente qu’était Rosa Luxemburg, Claire Diterzi, pousse sa chansonnette rock&roll jusque dans les basses. Et ça prend bien, ce petit bout de femme dont la très jolie voix est en même temps très juste, puissante et follement rock. Elle sautille, claque les portes, rend les armes, les reprend.
Claire Diterzi nous chante l’amour tout neuf et déjà fané, avec un art vocal acquis.
Seulement quid d’une quelconque histoire ? Quid de la révolutionnaire ? La révolution socialiste se voie réduite à une voie de petite fille énervée, rockeuse certes, mais pas bien sérieuse. Et cet usage de la vidéo, que l’on ne maîtrise pas ! Arrêtons de mettre de la vidéo partout tout le temps !
Parce qu’il y a tellement d’artifices dans la « pièce » (pièce ? concert ? pièce ? concert ? s’interroge les spectateurs à la sortie) que ça fini par devenir une boîte à outils pour scénographe en panne d’inspiration. Petit recensement : nous avons donc sur une même scène : un orchestre, deux plateaux de régies son, cinq micro, quatre grandes barres de néons, plus quatre supports de projecteurs sur les côtés quatre à cinq écrans amovibles, une estrade, une table en bois… et j’en oublie. Un embarras de gadgets relativement inutiles dans lequel la jolie chanteuse a bien du mal à ne pas se perdre, et nous avec.
On a droit à plus de vidéo que de texte, et ce n’est pas une outre cuisante exagération, promis. Les seuls textes qui aient un quelconque rapport avec le thème d’origine, ce sont les lettres sentimentales envoyées par Rosa Luxemburg depuis sa prison, à son mari, son amant et sa fille. Un rien de politique vient se glissé dans l’une d’elle, sur le courage de la révolutionnaire…
La chanteuse jusque là aux prises avec le décor, en profite pour donner un peu de la voix, et là, on se dit qu’on ferait bien d’aller la voir directement à La Cigale dans un vrai concert, parce qu’elle est douée ! Mais que fait-elle donc dans ce guêpier de faux drame musical où sous prétexte de faire bouger les lignes des disciplines, on ne sait plus si l’on est dans le théâtre, la musique, le cinéma, ou sans doute le plus probable, aucun des trois ?
La vidéo dans le théâtre qui se joue en France, on ne peut pas dire que ce soit un franc succès. On se souvient du Manhattan Medea de Dea Loher bien sous tous rapports par ailleurs, qui noyait le texte sous l’image. On se souvient par contre de la vidéo magnifiquement, subtilement mise en place par Warlikowski dans son avant dernier spectacle (A)pollonia à Chaillot l’an passé ; le metteur en scène polonais avait alors donné une leçon quant à l’usage du film comme Appui pour la mise en scène, non comme finalité du spectacle.
Parce que c’est tout à fait cela qui se trame en ce moment sur les planches du Rond Point. Il faudrait vérifier, mais il ne serait pas surprenant que l’on passe plus de temps à regarder un écran qu’à regarder la chanteuse. Et regarder l’écran, pour y voir quoi ? Une bande d’inconnus en bleu de travail tagger un mur de Rouge ? Passe encore, limite, avec la référence du monde ouvrier. Mais alors que quelqu’un explique dans le programme par exemple ce que la scène finale de Spartacus, dans sa version péplum la plus romantico-ridicule (parfaitement hilarante) vient faire dans la tragique vie de Rosa Luxemburg ?
Claire Diterzi se paie le luxe d’une promo d’enfer pour son prochain album, elle prouve qu’elle est douée. Et heureusement, car à part cela, il n’y a rien à en tirer.
Un spectacle qui laisse perplexe.