Tête de Turc
Tête de Turc est le premier film de Pascal Elbé. Et certainement pas le dernier !
Inspiré d’un fait-divers tragique, l’attaque d’un bus à Marseille qui a failli coûter la vie à des civils, Tête de Turc est un film dramatique sur la fébrilité des banlieues.
Simon (Pascal Elbé) est médecin urgentiste. Il intervient notamment dans les banlieues. Alors qu’il est en train de soigner des patients, une intervention de la police tourne à l’échauffourée. La voiture de Simon, équipée d’un gyrophare bleu, devient une cible idéale pour les jeunes en proie à la colère, qui finissent par lancer un cocktail molotov. La voiture s’embrase, Simon est sauvé de justesse par un jeune turc, Bora (Samir Makhlouf ).
Ce geste héroïque aux yeux de tous, est entaché d’une lourde vérité : Bora n’est autre que celui qui a lancé le cocktail.
Ce film est un film choral, car à travers l’histoire de Bora et Simon, une multitude d’autres histoires liées vont être contées.
Celle d’un homme (Simon Abkarian) dont la femme est décédée car Simon n’a pu donner suite à son appel de détresse.
Celle des dealers de la cité qui depuis le drame, voient leur business s’effondrer pour cause d’une présence ininterrompue de la police sur leur terre.
Celle de mères célibataires (Ronit Elkabetz, Florence Thomassin) qui déploient chacune à leur manière d’intenses efforts pour être considérées et respectées.
Celle d’élus et de fonctionnaires qui savent leur place menacée par la moindre émeute.
Celle du frère de Simon (Roschdy Zem) rongé par les remords, qui fera tout pour ne pas recommencer les erreurs passées.
Sans être un documentaire, le film de Pascal Elbé nous fait découvrir la vie de quartier, ses lois, ses plaies immenses, la volonté de tous de s’en sortir et de sauver leur peau.
On est saisi d’emblée par la mise en scène soignée, l’approche stylisée et la justesse de l’interprétation, qui ne fait qu’exalter la tension inhérente à la situation de cette marmite prête à exploser. C’est un vrai film engagé, courageux, aux accents de drame et de thriller qui détonne dans l’univers aseptisé et trop politiquement correct du cinéma français.
Pascal Elbé est un cinéphile : on apprécie ses références au cinéma de Paul Haggis (Collision) ou d’Alejandro Inarritu (Amours chiennes, 21 grammes, Babel), avec ces portraits croisés mais inexorablement liés, l’effet papillon, et ces personnages complexes, seuls face à leur conscience, dilemme de ceux qui ont dérapé, mais en qui l’on croit fort.
Bien rythmé, presque trop court, ce premier de Pascal Elbé, bel éphèbe que l’on connaissait plutôt dans des rôles légers de comédie est une belle surprise.